Cent ans de radiodiffusion en Argentine RAE L'ARGENTINE VERS LE MONDE

La radio et la guerre des Malouines en 1982

En cette année 2020, nous célébrons le centenaire de la radio en République argentine. Un événement d'une telle importance peut être abordé sous différents angles, car nombreux sont les jalons qui ont marqué ce siècle de radio dans notre pays avec des événements qui sont marqués à feu dans la mémoire collective.

Notre intention est d'aborder la célébration à partir d'un fait très particulier qui a permis à la radio d'occuper un rôle prépondérant comme c'est le cas de la guerre qui, après le débarquement argentin –en temps de dictature– le 2 avril 1982, nous a confrontés à la Grande-Bretagne, pays qui usurpe les îles depuis 1833.

Ainsi, le conflit dans les îles Malouines nous a montré le vaste champ dans lequel une guerre est menée : les domaines militaire, diplomatique, économique et, bien entendu, celui des communications, question à laquelle nous nous consacrerons en insistant particulièrement sur l'utilisation de la radio comme moyen de propagande pendant un conflit.

Au fil du temps, la plupart des pays ont reconnu le grand potentiel de la radio en tant qu'arme efficace en temps de guerre comme en temps de paix. Historiquement, l'Allemagne a été le premier pays à l’utiliser à des fins purement politiques. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les émissions de Radio Tokyo, de Radio Allemagne, de la BBC de Londres et d'autres stations ont été utilisées à des fins de propagande et à des fins militaires par les puissances et les pays en conflit.

L'après-guerre et la guerre froide qui a suivi ont entraîné une "guerre des ondes" unique en son genre. Au cours de ces années, d'innombrables stations sont apparues avec des styles de propagande particuliers en faveur de systèmes sociaux, politiques et économiques opposés. Les émissions de Radio Moscou, de La Voix des Amériques ou de Radio Pékin en sont un exemple. Parallèlement à ces stations, d'autres de nature clairement politique ont vu le jour, comme Radio Europe Libre et Radio Liberté, qui diffusent des programmes destinés aux pays d'Europe de l'Est et aux républiques qui ont obtenu leur indépendance après le démembrement puis la disparition de l'Union soviétique. Ce groupe comprend également les stations dites clandestines, qui émettent généralement en secret dans les zones de conflit elles-mêmes, depuis des régions voisines ou en utilisant des sites de transmission loués.

Avant le 2 avril 1982, les îles Malouines avaient une seule station de radio : le Service Falkland Islands (FIBS) : les transmissions étaient en anglais avec des programmes locaux et des services d'information provenant de la BBC de Londres. Elle diffusait sur 536 khz et 2 370 khz.

La fréquence de modulation d'amplitude était destinée à couvrir ce qui s'appelait alors Port Stanley et, grâce à l'onde courte, elle devait atteindre des zones plus éloignées des îles.
Radio Argentine a l'Extérieur (RAE) et Radio Noticias Argentinas en anglais ont également été dirigées vers l'archipel, ainsi qu'un service spécial de la BBC de Londres pour les «

kelpers », toutes diffusées sur ondes courtes.

Quant à la télévision, seule la chaîne 9 de Río Gallegos pouvait être captée dans l'archipel à certaines occasions.

A partir du 2 avril 1982, lorsque les forces armées argentines ont débarqué sur les îles Malouines et d'autres territoires insulaires de l'Atlantique sud, la situation radiale a changé radicalement.

Le Service Falkland Islands a été occupé par les militaires et ses installations mis au service de l'État argentin et intégrées à Radio Nacional depuis qu'elle a commencé à diffuser ses programmes sur LRA60 Radio Nacional Islas Malvinas utilisant les équipements et infrastructures de diffusion existants. Cette station emblématique a rapidement été rejointe par plusieurs Argentins, dont Ernesto Manuel Dalmau, ingénieur du son, Fernando Héctor Péndola, opérateur, et Norman Carlos Powell, présentateur officiel de LRA.

Pendant le déroulement des hostilités, Watts a continué à être un diffuseur pour la LRA60 afin de profiter de sa connaissance de l'environnement local et de sa maîtrise de la langue anglaise avec tous les régionalismes employés dans les Malouines, ce qui est devenu une grossière erreur de calcul car il diffusé des données stratégiques militaires aux Britanniques, en disant par exemple à l'antenne que l'aéroport des îles continuait à fonctionner malgré les bombardements ennemis, dans une tentative évidente et secrète d'informer de la situation la flotte d'attaque envoyée par le Royaume-Uni.

Pendant la guerre et jusqu'à sa fin, LRA60 Radio National Islas Malvinas a transmis sa programmation sur un système de câble situé dans le périmètre de Puerto Argentino, en plus de l'utilisation de sa fréquence d'ondes moyennes sur 536 KHz et d'ondes courtes sur 2 370 KHz. La programmation a également été retransmise sur d'autres fréquences à ondes courtes qui ont servi de relais avec l'Argentine continentale et, de cette façon, sa programmation a été reçue et retransmise par d'autres stations argentines. À plusieurs reprises,

LRA60 a été à la tête de l'ensemble du réseau de stations du Service Officiel de Radiodiffusion, aujourd'hui disparu.

Les fréquences utilisées comme relais étaient 15 890 KHz et 24 146 KHz et correspondaient à la station radio VPC installée par Cable & Wireless qui fonctionnait en bande latérale unique (USB) et que les îles utilisaient pour se relier à l'Angleterre dans des communications point à point avant le début du conflit.

La programmation de LRA60 était très variée et comprenait de la musique en anglais et en espagnol, des émissions sportives diffusées directement par la BBC, ce qui est plutôt curieux, et des annonces communautaires destinées aux populations urbaines et rurales dans les deux langues. La diffusion régulière de messages destinés à la population rurale dans les exploitations et les fermes dispersées dans l'archipel, s'est également poursuivie.

Pendant ces dures journées, la République Argentine a intensifié ses émissions vers les Malouines. Des émissions spéciales étaient destinées à la RAE et aux nouvelles de la radio qui étaient diffusées sur ondes courtes, sur la fréquence de 6 060 KHz et certains programmes produits dans LRA11 Radio Nacional Comodoro Rivadavia. LRA24 Radio Nacional Rio Grande, de la ville du même nom, dans la province de Terre de Feu, a également contribué aux contenus de LRA60.

Le signal à ondes moyennes de LRA60 a de même été utilisé pour annoncer et coordonner avec la population rurale des deux îles les plus importantes de l'archipel (Grande Malouine et Soledad) les vols pour leur envoyer du courrier et des médicaments avec des atterrissages effectués lorsque cela était possible (à l'abri des bombardements britanniques ou des attaques de l'aviation coloniale) ou en programmant le lancement des cargaisons depuis le ciel.

Cependant, dans les jours qui ont suivi le 1er mai 1982, les signaux à ondes moyennes et à ondes courtes ont été fréquemment réduits au silence par les opérateurs radio, car ils avaient une bonne réception au Chili et étaient utilisés par des écoutes transandines à des fins d'espionnage contre l’Argentine.

Ces transmissions radio étaient intermittentes, souvent sans programmation, probablement pour servir de balises aux avions argentins, et n'ont retransmis les programmes de LRA60 que lors de la visite du pape Jean-Paul II en Argentine vers la fin du conflit. LRA60 a continué à diffuser sur le système câblé à l'intérieur de Puerto Argentino.

Quelques jours avant le 14 juin, lorsque les forces coloniales ont récupéré les îles pour la Grande-Bretagne, LRA60 National Radio Islas Malvinas a cessé ses émissions en raison d'une panne de courant après un bombardement britannique. Ces attaques d'artillerie aérienne et navale et celles des forces terrestres ont également détruit l'antenne à ondes moyennes et son émetteur.

Mais revenons encore une fois aux premiers jours de la reprise des Malouines. Lorsque la Grande-Bretagne a annoncé l'envoi de sa gigantesque "Task Force" dans le but de récupérer les îles, la République Argentine a commencé à exploiter une station de propagande dont le nom et l'histoire nous ramènent à l'époque du conflit. Il s'agit de « Liberty », qui s'adressait en anglais aux soldats britanniques en route sur l'océan Atlantique, répartis dans les dizaines de navires de guerre et de soutien. « Liberty » était diffusé en ondes courtes, sur la fréquence de 17 740 khz, dans la bande des 16 mètres, avec pour objectif de montrer aux soldats et aux marins de la Royal Navy le sacrifice inutile qu’ils allaient faire pour un territoire lointain et inconnu pour eux.

« Liberty » parlait aux jeunes militaires anglais de l'agression que la Grande-Bretagne menait contre l'Argentine. « Liberty » – une douce voix de femme qui parlait aux oreilles des Anglais – leur demandait s'ils « ne voulaient pas être à la maison et regarder un match de football et applaudir leurs favoris... » et leur disait : « Je suis ici pour vous tenir compagnie... vous avez écrit à votre petite amie... je sais que vous mourez d'envie de la voir... »

Radio Liberty, ou simplement Liberty, a été une brillante création radiophonique. Tous les jours sa présentatrice annonçait que sa voix pouvait être écoutée dans une belle maison de Belgrave Square ou sur un bateau naviguant sur la mer, après quoi elle saluait et annonçait : « Hello je suis Liberty, j'ai décidé de me montrer au monde d'un endroit qui est loin de vous, dans les Malouines, îles Sandwich et Géorgie du Sud, je suis une voix, un esprit, un pays », tandis que « Yesterday » des Beatles résonnait en arrière-plan.

De nombreuses années après la fin de la guerre, on a appris que cette voix correspondait à Silvia Fernández Barrios, qui était à l'époque présentatrice pour Argentina Televisora Color, tandis que le célèbre annonceur et journaliste Enrique Alejandro Mancini collaborait au contenu.

Les autorités militaires argentines de l'époque ont essayé de répondre aux besoins de divertissement des soldats argentins stationnés dans les îles Malouines et dans différents points géographiques de la Patagonie par la retransmission sur différentes fréquences d'ondes courtes de trois des stations les plus écoutées de l'époque : LS10 Radio del Plata (très populaire auprès des jeunes pour ses offres musicales) ; LS5 Radio Rivadavia (dont les programmes sportifs et les transmissions de football, de boxe et de course automobile ont été suivis par des millions de compatriotes) et LS4 Radio Continental (avec une large audience pour son contenu journalistique).

Il est essentiel de souligner que toutes ces stations de radio, à quelques exceptions près, étaient sous contrôle militaire depuis 1976 et que leur programmation était strictement censurée.

Ce rapport serait incomplet si nous ne soulignions pas que, sur le plan international, tous les grands diffuseurs internationaux du monde ont consacré une large place aux événements de l'Atlantique Sud. Pendant la guerre des Malouines, la BBC a augmenté la durée des transmissions de son service espagnol pour l'Amérique latine, ainsi que celles en anglais destinées aux habitants des îles. A partir du 1er mai 1982, cette guerre de l'éther s'intensifie : alors que la BBC dénonce que les transmissions de son service latino-américain sont brouillées depuis l'Argentine, les autorités de la Radio Nacional de Buenos Aires communiquent que leurs services en ondes courtes sont brouillés, probablement depuis le nord du continent américain.

À l'occasion de la commémoration d'une date aussi spéciale que le centenaire de la radio en Argentine, qui est célébré cette année, nous ne pouvons manquer de rappeler la scène radiophonique pendant la guerre menée par notre pays après la récupération des îles Malouines et jusqu'à sa fin.

Production : Arnaldo Slaen
Présentation et traduction : Eric Domergue
Web : Julián Cortez